Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/215

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Le jeune homme le lui indiqua ; mais, comme à un quart de mille de là la route se divisait en trois sentiers, et qu’arrivé à ces trois sentiers le voyageur pouvait de nouveau s’égarer, il pria Luigi de lui servir de guide.

Luigi détacha son manteau et le déposa à terre, jeta sur son épaule sa carabine, et, dégagé ainsi du lourd vêtement, marcha devant le voyageur de ce pas rapide du montagnard que le pas d’un cheval a peine à suivre.

En dix minutes, Luigi et le voyageur furent à l’espèce de carrefour indiqué par le jeune pâtre.

Arrivés là, d’un geste majestueux comme celui d’un empereur, il étendit la main vers celle des trois routes que le voyageur devait suivre :

— Voilà votre chemin, dit-il, Excellence, vous n’avez plus à vous tromper maintenant.

— Et toi, voici ta récompense, dit le voyageur en offrant au jeune pâtre quelques pièces de menue monnaie.

— Merci, dit Luigi en retirant sa main ; je rends un service, je ne le vends pas.

— Mais, dit le voyageur, qui paraissait du reste habitué à cette différence entre la servilité de l’homme des villes et l’orgueil du campagnard, si tu refuses un salaire, tu acceptes au moins un cadeau.

— Ah ! oui, c’est autre chose.

— Eh bien, dit le voyageur, prends ces deux sequins de Venise, et donne-les à ta fiancée pour en faire une paire de boucles d’oreilles.

— Et vous, alors, prenez ce poignard, dit le jeune pâtre, vous n’en trouveriez pas un dont la poignée fût mieux sculptée d’Albano à Civita-Castellana.

— J’accepte, dit le voyageur ; mais alors c’est moi qui suis ton obligé, car ce poignard vaut plus de deux sequins.