Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/72

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soin, mais le vieillard ne voulut jamais y consentir.

— Non, disait-il, je ne quitterai pas la maison, car c’est moi que mon pauvre enfant aime avant toutes choses, et, s’il sort de prison, c’est moi qu’il accourra voir d’abord. Que dirait-il si je n’étais point là à l’attendre ? »

J’écoutais tout cela du carré, car j’aurais voulu que Mercédès déterminât le vieillard à la suivre ; ce pas retentissant tous les jours sur ma tête ne me laissait pas un instant de repos.

— Mais ne montiez-vous pas vous-même près du vieillard pour le consoler ? demanda le prêtre.

— Ah ! Monsieur ! répondit Caderousse, on ne console que ceux qui veulent être consolés, et lui ne voulait pas l’être : d’ailleurs, je ne sais pourquoi, mais il me semblait qu’il avait de la répugnance à me voir. Une nuit cependant que j’entendais ses sanglots, je n’y pus résister et je montai ; mais quand j’arrivai à la porte, il ne sanglotait plus, il priait. Ce qu’il trouvait d’éloquentes paroles et de pitoyables supplications, je ne saurais vous le redire, Monsieur : c’était plus que de la piété, c’était plus que de la douleur ; aussi, moi qui ne suis pas cagot et qui n’aime pas les jésuites, je me dis ce jour-là : C’est bien heureux, en vérité, que je sois seul, et que le bon Dieu ne m’ait pas envoyé d’enfants, car si j’étais père et que je ressentisse une douleur semblable à celle du pauvre vieillard, ne pouvant trouver dans ma mémoire ni dans mon cœur tout ce qu’il dit au bon Dieu, j’irais tout droit me précipiter dans la mer pour ne pas souffrir plus longtemps.

— Pauvre père ! murmura le prêtre.

— De jour en jour il vivait plus seul et plus isolé : souvent M. Morrel et Mercédès venaient pour le voir, mais sa porte était fermée ; et, quoique je fusse bien sûr qu’il