Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 2.djvu/71

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— L’histoire est triste, Monsieur, dit Caderousse en hochant la tête ; vous en connaissez probablement les commencements.

— Oui, répondit l’abbé, Edmond m’a raconté les choses jusqu’au moment où il a été arrêté dans un petit cabaret près de Marseille.

— À la Réserve ! ô mon Dieu, oui ! je vois encore la chose comme si j’y étais.

— N’était-ce pas au repas même de ses fiançailles ?

— Oui, et le repas qui avait eu un gai commencement eut une triste fin : un commissaire de police suivi de quatre fusiliers entra, et Dantès fut arrêté.

— Voilà où s’arrête ce que je sais, Monsieur, dit le prêtre ; Dantès lui-même ne savait rien autre que ce qui lui était absolument personnel, car il n’a jamais revu aucune des cinq personnes que je vous ai nommées, ni entendu parler d’elles.

— Eh bien ! Dantès une fois arrêté, M. Morrel courut prendre des informations : elles furent bien tristes. Le vieillard retourna seul dans sa maison, ploya son habit de noces en pleurant, passa toute la journée à aller et venir dans sa chambre, et le soir ne se coucha point, car je demeurais au-dessous de lui, et je l’entendis marcher toute la nuit ; moi-même, je dois le dire, je ne dormis pas non plus, car la douleur de ce pauvre père me faisait grand mal, et chacun de ses pas me broyait le cœur, comme s’il eût réellement posé son pied sur ma poitrine.

Le lendemain, Mercédès vint à Marseille pour implorer la protection de M. de Villefort : elle n’obtint rien ; mais, du même coup, elle alla rendre visite au vieillard. Quand elle le vit si morne et si abattu, qu’il avait passé la nuit sans se mettre au lit et qu’il n’avait pas mangé depuis la veille, elle voulut l’emmener pour en prendre