Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’appartement, fut un enfant de sept à huit mois. Je jetai un cri de joie. Les seuls moments de tristesse que j’eusse éprouvés depuis l’assassinat du procureur du roi m’avaient été causés par l’abandon de cet enfant. Il va sans dire que de remords de l’assassinat lui-même je n’en avais point eu.

La pauvre Assunta avait tout deviné : elle avait profité de mon absence, et, munie de la moitié du lange, ayant inscrit, pour ne point l’oublier, le jour et l’heure précis où l’enfant avait été déposé à l’hospice, elle était partie pour Paris et avait été elle-même le réclamer. Aucune objection ne lui avait été faite, et l’enfant lui avait été remis.

Ah ! j’avoue, monsieur le comte, qu’en voyant cette pauvre créature dormant dans son berceau, ma poitrine se gonfla, et que des larmes sortirent de mes yeux.

« — En vérité, Assunta, m’écriai-je, tu es une digne femme, et la Providence te bénira. »

— Ceci, dit Monte-Cristo, est moins exact que votre philosophie ; il est vrai que ce n’est que la foi.

— Hélas ! Excellence, reprit Bertuccio, vous avez bien raison, et ce fut cet enfant lui-même que Dieu chargea de ma punition. Jamais nature plus perverse ne se déclara plus prématurément, et cependant on ne dira pas qu’il fut mal élevé, car ma sœur le traitait comme le fils d’un prince ; c’était un garçon d’une figure charmante, avec des yeux d’un bleu clair comme ces tons de faïences chinoises qui s’harmonisent si bien avec le blanc laiteux du ton général ; seulement ses cheveux d’un blond trop vif donnaient à sa figure un caractère étrange, qui doublait la vivacité de son regard et la malice de son sourire. Malheureusement il y a un proverbe qui dit que le roux est tout bon ou tout mauvais ; le proverbe ne