Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/147

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Cette allocution, faite devant Ali, qui demeurait impassible, attendu qu’il n’entendait pas un mot de français, produisit sur M. Baptistin un effet que comprendront tous ceux qui ont étudié la psychologie du domestique français.

— Je tâcherai de me conformer en tous points aux désirs de Votre Excellence, dit-il ; d’ailleurs je me modèlerai sur M. Ali.

— Oh ! pas du tout, dit le comte avec une froideur de marbre. Ali a beaucoup de défauts mêlés à ses qualités ; ne prenez donc pas exemple sur lui, car Ali est une exception ; il n’a pas de gages, ce n’est pas un domestique, c’est mon esclave, c’est mon chien ; s’il manquait à son devoir, je ne le chasserais pas, lui, je le tuerais.

Baptistin ouvrit de grands yeux.

— Vous doutez ? dit Monte-Cristo.

Et il répéta à Ali les mêmes paroles qu’il venait de dire en français à Baptistin.

Ali écouta, sourit, s’approcha de son maître, mit un genou à terre, et lui baisa respectueusement la main.

Ce petit corollaire de la leçon mit le comble à la stupéfaction de M. Baptistin.

Le comte fit signe à Baptistin de sortir, et à Ali de le suivre. Tous deux passèrent dans son cabinet, et là ils causèrent longtemps.

À cinq heures, le comte frappa trois coups sur son timbre. Un coup appelait Ali, deux coups Baptistin, trois coups Bertuccio.

L’intendant entra.

— Mes chevaux ! dit Monte-Cristo.

— Ils sont à la voiture, Excellence, répliqua Bertuccio. Accompagnerai-je monsieur le comte ?

— Non, le cocher, Baptistin et Ali, voilà tout.