Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/243

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

excentricité ou une bêtise. Pour en arriver là, il faut que le sang se chauffe à trente-six degrés, que le pouls batte à quatre-vingt-dix pulsations, et que l’âme sorte de ses limites ordinaires ; mais si, passant, comme cela se pratique en philologie, du mot au synonyme mitigé, vous faites une simple élimination ; au lieu de commettre un ignoble assassinat, si vous écartez purement et simplement de votre chemin celui qui vous gêne, et cela sans choc, sans violence, sans l’appareil de ces souffrances, qui, devenant un supplice, font de la victime un martyr, et de celui qui agit un carnifex dans toute la force du mot ; s’il n’y a ni sang, ni hurlements, ni contorsions, ni surtout cette horrible et compromettante instantanéité de l’accomplissement, alors vous échappez au coup de la loi humaine qui vous dit : Ne trouble pas la société ! Voilà comment procèdent et réussissent les gens d’Orient, personnages graves et flegmatiques, qui s’inquiètent peu des questions de temps dans les conjonctures d’une certaine importance.

— Il reste la conscience, dit madame de Villefort d’une voix émue et avec un soupir étouffé.

— Oui, dit Monte-Cristo, oui, heureusement, il reste la conscience, sans quoi l’on serait fort malheureux. Après toute action un peu vigoureuse, c’est la conscience qui nous sauve, car elle nous fournit mille bonnes excuses dont seuls nous sommes juges ; et ces raisons, si excellentes qu’elles soient pour nous conserver le sommeil, seraient peut-être médiocres devant un tribunal pour nous conserver la vie. Ainsi Richard III, par exemple, a dû être merveilleusement servi par la conscience après la suppression des deux enfants d’Édouard IV ; en effet, il pouvait se dire : Ces deux enfants d’un roi cruel et persécuteur, et qui avaient hérité des