Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/31

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— Nous savons cela, dit Beauchamp.

— Oui, mais ce que vous ne savez pas, c’est que j’avais été enlevé par des brigands.

— Il n’y a pas de brigands, dit Debray.

— Si fait, il y en a, et de hideux même, c’est-à-dire d’admirables, car je les ai trouvés beaux à faire peur.

— Voyons, mon cher Albert, dit Debray, avouez que votre cuisinier est en retard, que les huîtres ne sont pas arrivées de Marennes ou d’Ostende, et qu’à l’exemple de madame de Maintenon, vous voulez remplacer le plat par un conte. Dites-le, mon cher, nous sommes d’assez bonne compagnie pour vous le pardonner et pour écouter votre histoire, toute fabuleuse qu’elle promet d’être.

— Et, moi, je vous dis, toute fabuleuse qu’elle est, que je vous la donne pour vraie d’un bout à l’autre. Les brigands m’avaient donc enlevé et m’avaient conduit dans un endroit fort triste qu’on appelle les catacombes de Saint-Sébastien.

— Je connais cela, dit Château-Renaud ; j’ai manqué d’y attraper la fièvre.

— Et, moi, j’ai fait mieux que cela, dit Morcerf, je l’ai eue réellement. On m’avait annoncé que j’étais prisonnier sauf rançon, une misère, quatre mille écus romains, vingt-six mille livres tournois. Malheureusement je n’en avais plus que quinze cents ; j’étais au bout de mon voyage et mon crédit était épuisé. J’écrivis à Franz. Et, pardieu ! tenez, Franz en était, et vous pouvez lui demander si je mens d’une virgule ; j’écrivis à Franz que s’il n’arrivait pas à six heures du matin avec les quatre mille écus, à six heures dix minutes j’aurais rejoint les bienheureux saints et les glorieux martyrs dans la compagnie desquels j’avais eu l’honneur de me trouver. Et M. Luigi Vampa, c’est le nom de mon chef de brigands,