Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/55

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— Serait-ce par hasard le brave signor Bertuccio, qui s’entend si bien à louer les fenêtres ?

— Justement, et vous l’avez vu chez moi le jour où j’ai eu l’honneur de vous recevoir à déjeuner. C’est un fort brave homme, qui a été un peu soldat, un peu contrebandier, un peu de tout ce qu’on peut être enfin. Je ne jurerais même pas qu’il n’a point eu quelques démêlés avec la police pour une misère, quelque chose comme un coup de couteau.

— Et vous avez choisi cet honnête citoyen du monde pour votre intendant, monsieur le comte ? dit Debray ; combien vous vole-t-il par an ?

— Eh bien, parole d’honneur, dit le comte, pas plus qu’un autre, j’en suis sûr ; mais il fait mon affaire, ne connaît pas d’impossibilité, et je le garde.

— Alors, dit Château-Renaud, vous voilà avec une maison montée : vous avez un hôtel aux Champs-Élysées, domestiques, intendant, il ne vous manque plus qu’une maîtresse.

Albert sourit : il songeait à la belle Grecque qu’il avait vue dans la loge du comte au théâtre Valle et au théâtre Argentina.

— J’ai mieux que cela, dit Monte-Cristo : j’ai une esclave. Vous louez vos maîtresses au théâtre de l’Opéra, au théâtre du Vaudeville, au théâtre des Variétés ; moi, j’ai acheté la mienne à Constantinople ; cela m’a coûté plus, mais, sous ce rapport-là, je n’ai plus besoin de m’inquiéter de rien.

— Mais vous oubliez, dit en riant Debray, que nous sommes, comme l’a dit le roi Charles, francs de nom, francs de nature ; qu’en mettant le pied sur la terre de France, votre esclave est devenue libre ?

— Qui le lui dira ? demanda Monte-Cristo.