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Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/89

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ces différentes évolutions il ne quittait point sa lanterne, la lumière éclaira son visage bouleversé.

Monte-Cristo l’examina du même œil qu’à Rome il avait examiné le supplice d’Andrea ; puis, d’un ton de voix qui fit courir un nouveau frisson par le corps du pauvre intendant :

— L’abbé Busoni m’avait donc menti, dit-il, lorsque après son voyage en France, en 1829, il vous envoya vers moi, muni d’une lettre de recommandation dans laquelle il me recommandait vos précieuses qualités. Eh bien ! je vais écrire à l’abbé ; je le rendrai responsable de son protégé, et je saurai sans doute ce que c’est que toute cette affaire d’assassinat. Seulement, je vous préviens, monsieur Bertuccio, que lorsque je vis dans un pays, j’ai l’habitude de me conformer à ses lois, et que je n’ai pas envie de me brouiller pour vous avec la justice de France.

— Oh ! ne faites pas cela, Excellence, je vous ai servi fidèlement, n’est-ce pas ? s’écria Bertuccio au désespoir ; j’ai toujours été honnête homme, et j’ai même, le plus que j’ai pu, fait de bonnes actions.

— Je ne dis pas non, reprit le comte, mais pourquoi diable êtes-vous agité de la sorte ? C’est mauvais signe : une conscience pure n’amène pas tant de pâleur sur les joues, tant de fièvre dans les mains d’un homme…

— Mais, monsieur le comte, reprit en hésitant Bertuccio, ne m’avez-vous pas dit vous-même que M. l’abbé Busoni, qui a entendu ma confession dans les prisons de Nîmes, vous avait prévenu, en m’envoyant chez vous, que j’avais un lourd reproche à me faire ?

— Oui, mais comme il vous adressait à moi en me disant que vous feriez un excellent intendant, j’ai cru que vous aviez volé, voilà tout !