Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/108

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sommeil ; j’ai donc fait acheter en dessous main tous les coupons que j’ai pu trouver de la dette d’Haïti, et j’ai gagné quatre cent mille francs, dont cent mille vous ont été religieusement remis. Vous en avez fait ce que vous avez voulu, cela ne me regarde pas.

En mars, il s’agissait d’une concession de chemin de fer. Trois sociétés se présentaient, offrant des garanties égales. Vous m’avez dit que votre instinct, et, quoique vous vous prétendiez étrangère aux spéculations, je crois au contraire votre instinct très développé sur certaines matières, vous m’avez dit que votre instinct vous faisait croire que le privilège serait donné à la société dite du Midi.

Je me suis fait inscrire à l’instant même pour les deux tiers des actions de cette société. Le privilège lui a été, en effet, accordé ; comme vous l’aviez prévu, les actions ont triplé de valeur, et j’ai encaissé un million, sur lequel deux cent cinquante mille francs vous ont été remis à titre d’épingles. Comment avez-vous employé ces deux cent cinquante mille francs ?

— Mais où donc voulez-vous en venir, monsieur ? s’écria la baronne, toute frissonnante de dépit et d’impatience.

— Patience, madame, j’y arrive.

— C’est heureux !

— En avril, vous avez été dîner chez le ministre ; on causa de l’Espagne, et vous entendîtes une conversation secrète ; il s’agissait de l’expulsion de don Carlos ; j’achetai des fonds espagnols. L’expulsion eut lieu, je gagnai six cent mille francs le jour où Charles V repassa la Bidassoa. Sur ces six cent mille francs vous avez touché cinquante mille écus ; ils étaient à vous, vous en avez disposé à votre fantaisie, et je ne vous en demande pas