Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Madame, dit Albert, j’ai l’honneur de vous présenter M. Maximilien Morrel, capitaine aux spahis, l’un de nos bons et surtout de nos braves officiers.

— J’ai déjà eu le plaisir de rencontrer monsieur à Auteuil, chez M. le comte de Monte-Cristo, répondit madame de Villefort en se détournant avec une froideur marquée.

Cette réponse, et surtout le ton dont elle était faite, serrèrent le cœur du pauvre Morrel ; mais une compensation lui était ménagée ; en se retournant, il vit à l’encoignure de la porte une belle et blanche figure dont les yeux bleus dilatés et sans expression apparente s’attachaient sur lui, tandis que le bouquet de myosotis montait lentement à ses lèvres.

Ce salut fut si bien compris que Morrel, avec la même expression de regard, approcha à son tour son mouchoir de sa bouche ; et les deux statues vivantes, dont le cœur battait si rapidement sous le marbre apparent de leur visage, séparées l’une de l’autre par toute la largeur de la salle, s’oublièrent un instant, ou plutôt un instant oublièrent tout le monde dans cette muette contemplation.

Elles eussent pu rester plus longtemps ainsi perdues l’une dans l’autre, sans que personne remarquât leur oubli de toutes choses : le comte de Monte-Cristo venait d’entrer.

Nous l’avons déjà dit, le comte, soit prestige factice, soit prestige naturel, attirait l’attention partout où il se présentait ; ce n’était pas son habit noir, irréprochable il est vrai dans sa coupe, mais simple et sans décorations ; ce n’était pas son gilet blanc sans aucune broderie ; ce n’était pas son pantalon emboîtant un pied de la forme la plus délicate, qui attiraient l’attention ; c’étaient son teint mat, ses cheveux noirs ondés, c’était son visage