Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/175

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calme et pur, c’était son œil profond et mélancolique, c’était enfin sa bouche dessinée avec une finesse merveilleuse, et qui prenait si facilement l’expression d’un haut dédain, qui faisaient que tous les yeux se fixaient sur lui.

Il pouvait y avoir des hommes plus beaux, mais il n’y en avait certes pas de plus significatifs, qu’on nous passe cette expression : tout dans le comte voulait dire quelque chose et avait sa valeur ; car l’habitude de la pensée utile avait donné à ses traits, à l’expression de son visage et au plus insignifiant de ses gestes une souplesse et une fermeté incomparables.

Et puis notre monde parisien est si étrange, qu’il n’eût peut-être point fait attention à tout cela, s’il n’y eût eu sous tout cela une mystérieuse histoire dorée par une immense fortune.

Quoi qu’il en soit, il s’avança, sous le poids des regards et à travers l’échange des petits saluts, jusqu’à madame de Morcerf, qui, debout devant la cheminée garnie de fleurs, l’avait vu apparaître dans une glace placée en face la porte, et s’était préparée pour le recevoir.

Elle se retourna donc vers lui avec un sourire composé, au moment même où il s’inclinait devant elle.

Sans doute elle crut que le comte allait lui parler ; sans doute, de son côté, le comte crut qu’elle allait lui adresser la parole ; mais des deux côtés ils restèrent muets, tant une banalité leur semblait sans doute indigne de tous deux ; et, après un échange de saluts, Monte-Cristo se dirigea vers Albert, qui venait à lui la main ouverte.

— Vous avez vu ma mère ? demanda Albert.

— Je viens d’avoir l’honneur de la saluer, dit le comte, mais je n’ai point aperçu votre père.