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Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/135

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Il était deux heures et demie du matin. On conduisit Morcerf à son appartement. Il trouva un bain et un souper prêts. Le domestique, qui avait fait la route sur le siège de derrière de la voiture, était à ses ordres ; Baptistin, qui avait fait la route sur le siège de devant, était à ceux du comte.

Albert prit son bain, soupa et se coucha. Toute la nuit, il fut bercé par le bruit mélancolique de la houle. En se levant, il alla droit à la fenêtre, l’ouvrit et se trouva sur une petite terrasse, où l’on avait devant soi la mer, c’est-à-dire l’immensité, et derrière soi un joli parc donnant sur une petite forêt.

Dans une anse d’une certaine grandeur se balançait une petite corvette à la carène étroite, à la mâture élancée, et portant à la corne un pavillon aux armes de Monte-Cristo, armes représentant une montagne d’or, posant sur une mer d’azur, avec une croix de gueules au chef, ce qui pouvait aussi bien être une allusion à son nom rappelant le Calvaire, que la passion de notre Seigneur a fait une montagne plus précieuse que l’or, et la croix infâme que son sang divin a faite sainte, qu’à quelque souvenir personnel de souffrance et de régénération enseveli dans la nuit du passé mystérieux de cet homme. Autour de la goélette étaient plusieurs petits chasse-marées appartenant aux pêcheurs des villages voisins, et qui semblaient d’humbles sujets attendant les ordres de leur reine.

Là, comme dans tous les endroits où s’arrêtait Monte-Cristo, ne fût-ce que pour y passer deux jours, la vie y était organisée au thermomètre du plus haut confortable ; aussi la vie, à l’instant même, y devenait-elle facile.

Albert trouva dans son antichambre deux fusils et tous les ustensiles nécessaires à un chasseur ; une pièce plus haute, et placée au rez-de-chaussée, était consacrée à