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toutes les ingénieuses machines que les Anglais, grands pêcheurs, parce qu’ils sont patients et oisifs, n’ont pas encore pu faire adopter aux routiniers pêcheurs de France.

Toute la journée se passa à ces exercices divers, auxquels, d’ailleurs, Monte-Cristo excellait : on tua une douzaine de faisans dans le parc, on pêcha autant de truites dans les ruisseaux, on dîna dans un kiosque donnant sur la mer, et l’on servit le thé dans la bibliothèque.

Vers le soir du troisième jour, Albert, brisé de fatigue à l’user de cette vie qui semblait être un jeu pour Monte-Cristo, dormait sur un fauteuil près de la fenêtre tandis que le comte faisait avec son architecte le plan d’une serre qu’il voulait établir dans sa maison, lorsque le bruit d’un cheval écrasant les cailloux de la route fit lever la tête au jeune homme ; il regarda par la fenêtre, et, avec une surprise des plus désagréables, aperçut dans la cour son valet de chambre, dont il n’avait pas voulu se faire suivre pour moins embarrasser Monte-Cristo.

— Florentin ici ! s’écria-t-il en bondissant sur son fauteuil ; est-ce que ma mère est malade ?

Et il se précipita vers la porte de la chambre.

Monte-Cristo le suivit des yeux, et le vit aborder le valet qui, tout essoufflé encore, tira de sa poche un petit paquet cacheté. Le petit paquet contenait un journal et une lettre.

— De qui cette lettre ? demanda vivement Albert.

— De M. Beauchamp, répondit Florentin.

— C’est Beauchamp qui vous envoie alors ?

— Oui, monsieur. Il m’a fait venir chez lui, m’a donné l’argent nécessaire à mon voyage, m’a fait venir un cheval de poste, et m’a fait promettre de ne point m’arrêter que je n’aie rejoint monsieur : j’ai fait la route en quinze heures.