Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/137

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Albert ouvrit la lettre en frissonnant : aux premières lignes, il poussa un cri, et saisit le journal avec un tremblement visible.

Tout à coup ses yeux s’obscurcirent, ses jambes semblèrent se dérober sous lui, et, prêt à tomber, il s’appuya sur Florentin, qui étendait le bras pour le soutenir.

— Pauvre jeune homme ! murmura Monte-Cristo, si bas que lui-même n’eût pu entendre le bruit des paroles de compassion qu’il prononçait ; il est donc dit que la faute des pères retombera sur les enfants jusqu’à la troisième et quatrième génération.

Pendant ce temps Albert avait repris sa force, et, continuant de lire, il secoua ses cheveux sur sa tête mouillée de sueur, et froissant lettre et journal :

— Florentin, dit-il, votre cheval est-il en état de reprendre le chemin de Paris ?

— C’est un mauvais bidet de poste éclopé.

— Oh ! mon Dieu ! et comment était la maison quand vous l’avez quittée ?

— Assez calme ; mais en revenant de chez M. Beauchamp, j’ai trouvé madame dans les larmes ; elle m’avait fait demander pour savoir quand vous reviendriez. Alors je lui ai dit que j’allais vous chercher de la part de M. Beauchamp. Son premier mouvement a été d’étendre le bras comme pour m’arrêter ; mais après un instant de réflexion :

— Oui, allez, Florentin, a-t-elle dit, et qu’il revienne.

— Oui, ma mère, oui, dit Albert, je reviens, sois tranquille, et malheur à l’infâme !… Mais, avant tout, il faut que je parte.

Il reprit le chemin de la chambre où il avait laissé Monte-Cristo.

Ce n’était plus le même homme et cinq minutes