Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/160

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jour fut-elle plus pure que votre orient ! non, Albert, croyez-moi, vous êtes jeune, vous êtes riche, quittez la France : tout s’oublie vite dans cette grande Babylone à l’existence agitée et aux goûts changeants ; vous viendrez dans trois ou quatre ans, vous aurez épousé quelque princesse russe, et personne ne songera plus à ce qui s’est passé hier, à plus forte raison à ce qui s’est passé il y a seize ans.

— Merci, mon cher Beauchamp, merci de l’excellente intention qui vous dicte vos paroles, mais cela ne peut être ainsi ; je vous ai dit mon désir, et maintenant, s’il le faut, je changerai le mot de désir en celui de volonté. Vous comprenez qu’intéressé comme je le suis dans cette affaire, je ne puis voir la chose du même point de vue que vous. Ce qui vous semble venir à vous d’une source céleste, me semble venir à moi d’une source moins pure. La Providence me paraît, je vous l’avoue, fort étrangère à tout ceci, et cela heureusement, car au lieu de l’invisible et de l’impalpable messagère des récompenses et punitions célestes, je trouverai un être palpable et visible, sur lequel je me vengerai, oh ! oui, je vous le jure, de tout ce que je souffre depuis un mois. Maintenant, je vous le répète, Beauchamp, je tiens à rentrer dans la vie humaine et matérielle, et, si vous êtes encore mon ami comme vous le dites, aidez-moi à retrouver la main qui a porté le coup.

— Alors, soit ! dit Beauchamp ; et si vous tenez absolument à ce que je descende sur la terre, je le ferai ; si vous tenez à vous mettre à la recherche d’un ennemi, je m’y mettrai avec vous. Et je le trouverai, car mon honneur est presque aussi intéressé que le vôtre à ce que nous le retrouvions.

— Eh bien ! alors, Beauchamp, vous comprenez, à