Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/198

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— C’est une pensée salutaire, mon enfant, a dit le sage.

— Eh bien, si vous mourez, dit-elle, léguez votre fortune à d’autres, car, si vous mourez… je n’aurai plus besoin de rien.

Et prenant le papier, elle le déchira en quatre morceaux qu’elle jeta au milieu du salon. Puis, cette énergie si peu habituelle à une esclave ayant épuisé ses forces, elle tomba, non plus endormie cette fois, mais évanouie sur le parquet.

Monte-Cristo se pencha vers elle, la souleva entre ses bras ; et, voyant ce beau teint pâli, ces beaux yeux fermés, ce beau corps inanimé et comme abandonné, l’idée lui vint pour la première fois qu’elle l’aimait peut-être autrement que comme une fille aime son père.

— Hélas ! murmura-t-il avec un profond découragement, j’aurais donc encore pu être heureux !

Puis il porta Haydée jusqu’à son appartement, la remit, toujours évanouie, aux mains de ses femmes ; et, rentrant dans son cabinet, qu’il ferma cette fois vivement sur lui, il recopia le testament détruit.

Comme il achevait, le bruit d’un cabriolet entrant dans la cour se fit entendre. Monte-Cristo s’approcha de la fenêtre et vit descendre Maximilien et Emmanuel.

— Bon, dit-il, il était temps !

Et il cacheta son testament d’un triple cachet.

Un instant après il entendit un bruit de pas dans le salon, et alla ouvrir lui-même. Morrel parut sur le seuil.

Il avait devancé l’heure de près de vingt minutes.

— Je viens trop tôt peut-être, monsieur le comte, dit il ; mais je vous avoue franchement que je n’ai pu dormir une minute, et qu’il en a été de même de toute la maison. J’avais besoin de vous voir fort de votre courageuse assurance pour redevenir moi-même.