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Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/231

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Ils passèrent à deux lignes du malheureux, qui, caché derrière la portière de damas, fut effleuré en quelque sorte par la robe de soie de Mercédès, et qui sentit à son visage la tiède haleine de ces paroles prononcées par son fils :

— Du courage, ma mère ! Venez, venez, nous ne sommes plus ici chez nous.

Les paroles s’éteignirent, les pas s’éloignèrent.

Le général se redressa, suspendu par ses mains crispées au rideau de damas ; il comprimait le plus horrible sanglot qui fût jamais sorti de la poitrine d’un père, abandonné à la fois par sa femme et par son fils…

Bientôt il entendit claquer la portière en fer du fiacre, puis la voix du cocher, puis le roulement de la lourde machine ébranla les vitres ; alors il s’élança dans sa chambre à coucher pour voir encore une fois tout ce qu’il avait aimé dans le monde ; mais le fiacre partit sans que la tête de Mercédès ou celle d’Albert eût paru à la portière, pour donner à la maison solitaire, pour donner au père et à l’époux abandonné le dernier regard, l’adieu et le regret, c’est-à-dire le pardon.

Aussi, au moment même où les roues du fiacre ébranlaient le pavé de la voûte, un coup de feu retentit, et une fumée sombre sortit par une des vitres de cette fenêtre de la chambre à coucher, brisée par la force de l’explosion.