Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/143

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— Hélas ! par quel moyen rendrai-je à ces deux innocents le bonheur que je leur ai ôté ? Dieu m’aidera !



X

LA FOSSE AUX LIONS.

L’un des quartiers de la Force, celui qui renferme les détenus les plus compromis et les plus dangereux, s’appelle la cour Saint-Bernard.

Les prisonniers, dans leur langage énergique, l’ont surnommé la Fosse-aux-Lions, probablement parce que les captifs ont des dents qui mordent souvent les barreaux et parfois les gardiens.

C’est dans la prison une prison ; les murs ont une épaisseur double des autres. Chaque jour un guichetier sonde avec soin les grilles massives, et l’on reconnaît à la stature herculéenne, aux regards froids et incisifs de ces gardiens, qu’ils ont été choisis pour régner sur leur peuple par la terreur et l’activité de l’intelligence.

Le préau de ce quartier est encadré dans des murs énormes sur lesquels glisse obliquement le soleil lorsqu’il se décide à pénétrer dans ce gouffre de laideurs morales et physiques. C’est là, sur le pavé, que depuis l’heure du lever errent soucieux, hagards, pâlissants, comme des ombres, les hommes que la justice tient courbés sous le couperet qu’elle aiguise.

On les voit se coller, s’accroupir le long du mur qui absorbe et retient le plus de chaleur. Ils demeurent là, causant deux à deux, plus souvent isolés, l’œil sans cesse