prisante. En effet, j’ai toujours remarqué que les empoisonneurs étaient lâches. Seriez-vous lâche, vous qui avez eu l’affreux courage de voir expirer devant vous deux vieillards et une jeune fille assassinés par vous ?
— Monsieur ! monsieur !
— Seriez-vous lâche, continua Villefort avec une exaltation croissante, vous qui avez compté une à une les minutes de quatre agonies, vous qui avez combiné vos plans infernaux et remué vos breuvages infâmes avec une habileté et une précision si miraculeuses ? Vous qui avez si bien combiné tout, auriez-vous donc oublié de calculer une seule chose, c’est-à-dire où pouvait vous mener la révélation de vos crimes ? Oh ! c’est impossible, cela, et vous avez gardé quelque poison plus doux, plus subtil et plus meurtrier que les autres pour échapper au châtiment qui vous était dû… Vous avez fait cela, je l’espère du moins ?
Madame de Villefort tordit ses mains et tomba à genoux.
— Je sais bien… je sais bien, dit-il, vous avouez ; mais l’aveu fait à des juges, l’aveu fait au dernier moment, l’aveu fait quand on ne peut plus nier, cet aveu ne diminue en rien le châtiment qu’ils infligent au coupable !
— Le châtiment ! s’écria madame de Villefort, le châtiment ! monsieur ? voilà deux fois que vous prononcez ce mot !
— Sans doute. Est-ce parce que vous étiez quatre fois coupable que vous avez cru y échapper ? est-ce parce que vous êtes la femme de celui qui requiert ce châtiment, que vous avez cru que ce châtiment s’écarterait ? Non, madame, non ! Quelle qu’elle soit, l’échafaud attend l’empoisonneuse, si surtout, comme je vous le disais tout à l’heure, l’empoisonneuse n’a pas eu le soin de conserver pour elle quelques gouttes de son plus sûr poison.