— À moi, grand Dieu ! Suis-je assez heureuse pour cela ?…
— Oui, vous avez appelé Haydée votre sœur : qu’elle soit votre sœur en effet, Valentine ; rendez-lui, à elle, tout ce que vous croyez me devoir à moi ; protégez-la, Morrel et vous, car (la voix du comte fut prête à s’éteindre dans sa gorge), car désormais elle sera seule au monde…
— Seule au monde ! répéta une voix derrière le comte, et pourquoi ?
Monte-Cristo se retourna.
Haydée était là debout, pâle et glacée, regardant le comte avec un geste de mortelle stupeur.
— Parce que demain, ma fille, tu seras libre, répondit le comte ; parce que tu reprendras dans le monde la place qui t’est due, parce que je ne veux pas que ma destinée obscurcisse la tienne. Fille de prince ! Je te rends les richesses et le nom de ton père.
Haydée pâlit, ouvrit ses mains diaphanes comme fait la vierge qui se recommande à Dieu, et d’une voix rauque de larmes :
— Ainsi, mon seigneur, tu me quittes ? dit-elle.
— Haydée ! Haydée ! tu es jeune, tu es belle ; oublie jusqu’à mon nom et sois heureuse.
— C’est bien, dit Haydée, tes ordres seront exécutés, mon seigneur ; j’oublierai jusqu’à ton nom et je serai heureuse.
Et elle fit un pas en arrière pour se retirer.
— Oh ! mon Dieu ! s’écria Valentine, tout en soutenant la tête engourdie de Morrel sur son épaule, ne voyez-vous donc pas comme elle est pâle, ne comprenez-vous pas ce qu’elle souffre ?
Haydée lui dit avec une expression déchirante :
— Pourquoi veux-tu donc qu’il me comprenne, ma