Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/119

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À la grande surprise de Millette qui jamais n’avait vu son maître sortir après le soleil couché, aussitôt que M. Coumbes eut lu la lettre de Jean Riouffe, il demanda ce qu’il appelait sa lévite, l’endossa, glissa de l’argent dans son gousset et se rendit au café de Bonneveine.

C’était dans ce lieu, théâtre de ses premières humiliations, qu’il désirait faire rayonner sa gloire. Ses appétits orgueilleux n’étaient pas modifiés, mais ils suivaient sa passion nouvelle, la haine, dans la détestable direction qu’elle imprimait à ses sentiments ; on pouvait rire de sa vanité alors qu’elle se satisfaisait de l’épanouissement d’une fleur, de l’éclosion d’un légume, de la prise d’une rascasse ou d’un fiela, mais sa simplicité même lui faisait un certain caractère de grandeur. Il ne restait plus qu’à la déplorer, maintenant qu’elle l’amenait à mendier les applaudissements de vulgaires auditeurs, à stipendier leur admiration en la primant de quantité de petits verres, alors qu’il s’épanouissait aux faciles et grossiers triomphes que lui ménageait une générosité de circonstance.

M. Coumbes produisit beaucoup d’effet dans l’établissement public de son endroit ; il y lut la lettre de son voisin en l’accompagnant de nombreux commentaires sur la lâcheté de celui-ci, sur le traitement qui l’attendait s’il ne s’était pas décidé à produire ses