Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/120

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excuses à distance. L’ex-portefaix, s’adressant à la fois à la soif inextinguible des habitués du café de Bonneveine et à l’envie que l’on éprouve généralement contre les gens riches, fut approuvé et de plus acclamé comme un foudre de guerre ; il passa Saint-Georges à l’unanimité. Le nouveau bretteur restait avare en se montrant prodigue, c’est-à-dire qu’il ne s’oubliait pas dans la distribution de spiritueux qu’il avait entreprise ; aussi leurs fumées, jointes à celles de la gloire, achevèrent de détraquer sa cervelle. Il rentra chez lui en improvisant des moulinets formidables avec son parapluie ; il n’était pas bien certain de ne pas avoir occis toute la tribu des Riouffe, ainsi qu’il l’avait rêvé pendant la nuit précédente, comme il avait juré de le faire à la première occasion, dans la soirée qui venait de s’écouler. Lorsqu’il aperçut le toit du chalet qui se découpait en noir sur l’horizon brumeux du large, il fallut l’intervention de ceux qui, par charité ou par reconnaissance, avaient voulu le reconduire, pour l’empêcher d’y aller mettre le feu.

Dégrisé le lendemain, M.  Coumbes ne se rappelait que vaguement ce qui s’était passé la veille. Mais ce qu’il en restait dans sa mémoire eût suffi à le rendre honteux si son amour-propre l’eût permis. Il fût mort plutôt que de s’avouer à lui-même qu’il avait eu tort. Il ne donna pas de sœur à cette première