Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/152

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du lieu qui paraît vous servir de refuge ; venez à Montredon, où j’habite une maison de campagne ; vous la trouverez aisément, si vous retenez mon nom.

– Mademoiselle Riouffe, je n’aurai garde de l’oublier. Si vous le permettez, j’irai à votre bureau, reprit le mendiant avec vivacité, j’aime mieux cela.

Il se recoucha sur son lit de pierre, et les deux jeunes gens s’éloignèrent.

Lorsqu’ils furent à quelques pas, ils entendirent la voix du misérable qu’ils laissaient sur le cap, et qui, avec l’accent trivial et goguenard de ses premières paroles, leur criait :

– Amusez-vous bien en route, mes petits pichons !

Cette cynique plaisanterie, lancée au milieu du bruit majestueux que faisaient les vagues en caressant les rochers, avait quelque chose de sinistre qui glaça le cœur de Marius ; il pressa avec plus de force le bras de Madeleine, qu’il soutenait dans leur marche difficile à travers le chaos de blocs de toute forme au milieu duquel ils se trouvaient.

– Vous avez vraiment eu tort de donner votre adresse à cet homme, dit-il.

La jeune fille ne répondit pas ; elle subissait en ce moment une impression bien différente de celle qu’éprouvait son compagnon ; si affreuse que fût la solitude dans laquelle ils se trouvaient perdus, entre