Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/20

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contemplait amoureusement son domaine, que, pour être le maître et le créateur de ces belles choses, il n’en était pas moins un homme. C’était ce souffle impitoyable, le συχείρων des Grecs, le circius des Latins, que Strabon appelle μελαμβορέας, « vent violent, terrible, qui déplace et enlève les rochers, précipite les hommes de leurs chars, les dépouille de leurs vêtements et de leurs armes ; » c’était ce vent qui, selon M. de Saussure, brisait si souvent les carreaux du château de Grignan, que l’on avait renoncé à les faire remettre ; c’était ce vent qui, enlevant l’abbé Portalis par-dessus la terrasse du mont Sainte-Victoire, le tuait sur le coup ; c’était ce vent enfin qui, après avoir fait tout cela autrefois, empêchait aujourd’hui que le monde pût jouir du vaste et curieux spectacle d’un homme satisfait de son sort, sans ambition et sans désir.

Et cependant le mistral n’avait point eu pour M. Coumbes une seule des désastreuses conséquences que signalait l’écrivain grec ; il n’avait point renversé sur sa demeure les pics granitiques du Marchia-Veyre ; il ne l’avait point jeté bas de la petite charrette, attelée d’un cheval corse, dans laquelle il allait de loin en loin à la ville ; si quelquefois il lui enlevait sa casquette, il respectait du moins la veste et le pantalon qui sauvegardaient sa pudeur. À peine si du bout de son aile il avait fait choir