Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/222

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pensais, murmura tout bas Pierre Manas, mais pas si bas, toutefois, que Marius ne l’entendît.

Puis le vieux bandit demeura pensif quelques minutes.

Pendant ces réflexions du mendiant, l’âme du jeune homme était torturée.

Il se demandait si, quelque avili, quelque criminel que fût l’auteur de ses jours il avait le droit de le renier, de se refuser à ses caresses, de garder enfin le silence ; n’était-il pas possible que, retrouvant sa femme et son fils, l’âme de Pierre Manas s’ouvrît à des sentiments nouveaux ? Son attitude, alors qu’il venait assurément de faire un rapprochement entre l’âge de celui auquel il parlait et l’âge que devait avoir son fils qu’il avait abandonné, prouvait que tous les instincts de la paternité n’étaient pas encore éteints chez lui ; avec ce levier, n’était-il pas permis de croire que l’on pourrait relever cette âme si profondément abaissée ? Pendant un instant, Marius fut tenté de se jeter à ses pieds et de lui crier : « Mon père ! »

Mais le souvenir de Millette lui revint à l’esprit. Il entrevit les conséquences que cette reconnaissance pouvait avoir pour elle ; il consentait bien à se sacrifier, lui, mais il ne pouvait se décider à immoler, peut-être inutilement, sa mère.

– À quoi songez-vous ? demanda-t-il presque affectueusement