Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/263

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Tenez, un jour de Fête-Dieu, je l’avais habillé en saint Jean-Baptiste ; il me semble que c’était hier : si vous saviez comme il était joli sous sa peau de mouton et avec la petite croix de bois qu’il portait sur son épaule ! Vous eussiez juré un ange du bon Dieu qui s’était échappé du paradis. Le soir, en revenant de la procession, nous rencontrâmes un pauvre qui nous tendit la main ; l’enfant n’avait rien à y mettre ; il n’osait pas me demander ; M. Coumbes me donnait le bras. Quand je me retournai, le pauvre chéri avait le visage baigné de larmes ! Et c’est lui qu’on accuse d’avoir fait couler le sang de son semblable ! Voyons, est-ce possible ? Je m’en rapporte à vous… D’abord, si on le condamne, je ne pourrai pas survivre à sa mort. Vous comprenez bien, n’est-ce pas ? une mère ne peut vivre après son enfant. Les juges sont justes, puisqu’ils sont juges ; ils ne voudront pas frapper du même coup la mère et le fils. Ils me le rendront… N’est-ce pas, monsieur, qu’ils me le rendront ?

Pendant qu’elle parlait ainsi par phrases que son accent saccadé rendait plus incohérentes encore, le geôlier secouait à grand bruit le formidable trousseau de clefs qu’il portait à sa ceinture, et plusieurs fois il passa sa main sur ses yeux.

– Vous avez raison d’espérer, ma brave femme ; l’espérance est aussi nécessaire à notre cœur que l’air