Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/270

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– Sans compter, ajouta l’ex-forçat, qu’une fois là-bas, sa qualité de mon fils sera loin de lui nuire ; je lui enverrai le mot de passe, et il n’aura qu’à choisir pour trouver un camarade qui lui fasse la courte échelle : on a des amis dans la pègre. Sois donc tranquille, il n’y pourrira pas.

– Au bagne ! mon fils au bagne ! s’écria Millette : mais tu ne sais donc pas, Pierre, que, si grand que soit mon amour pour lui, j’aime mieux le pleurer mort que rougir de lui ?… Aux galères ! Marius forçat ! mais tu es devenu fou, Pierre !

– Écoute, reviens me voir demain, à la même heure ; tu me rencontreras dans cette rue, nous verrons ce que nous pourrons faire.

– Non, répondit résolument Millette, je n’ai pas confiance en toi, Pierre ; si tu avais des entrailles de père, est-ce que tu remettrais à demain ce que tu peux faire aujourd’hui quand il souffre, quand il arrose de ses larmes la paille sur laquelle on l’a jeté ? Non, non ; je ne te quitte pas.

Millette allongea la main pour saisir la blouse de Pierre Manas ; mais celui-ci, se courbant, passa sous le bras qu’elle étendait, et, d’un bond, franchit la rue.

– Suis-moi donc ! s’écria-t-il.

Si prompte et si brusque qu’eût été la fuite du bandit, Millette ne renonça pas à l’atteindre : elle traversa