Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/35

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Pierre Manas fut condamné à quelques mois d’emprisonnement ; mais Millette demeura sa propriété, sa chose, qu’il pouvait reprendre à son gré, sur laquelle il pouvait achever l’expérience interrompue lorsque bon lui semblerait, quitte alors à faire un séjour un peu plus long dans les prisons d’Aix ; et le tout, parce que la malheureuse n’avait pas quelques centaines de francs.

Lorsque, en revenant à elle, Millette apprit ce qui s’était passé, son premier mouvement fut de se désoler, de vouloir se lever pour aller demander la grâce de son mari. Heureusement pour la vindicte publique, elle était trop faible pour accomplir son dessein.

Pendant les premiers jours, le calme inaccoutumé qui s’était fait autour d’elle, les attentions dont son voisin la comblait, lui parurent étranges ; la vie misérable qu’elle avait menée lui semblait la vie normale ; elle croyait rêver. Peu à peu elle s’y habitua, et ce fut le passé, au contraire, qui lui parut un songe.

Enfin elle en arriva à trembler en pensant que ce songe pourrait bien devenir une réalité.

Pour se réconforter, elle se disait que la rude leçon qu’il aurait reçue ne pouvait manquer d’avoir corrigé son mari. Il l’était si bien, que, lors de l’expiration de sa peine, lorsque Millette alla humble-