Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/40

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du trille et de la cadence ; mais c’était une voix suave, douce, singulièrement sympathique. Elle avait surpris M.  Coumbes au moment où il méditait sur un perfectionnement à apporter à la bouillabaisse et interrompu ses profondes réflexions à ce sujet. Son premier mouvement avait été d’imposer silence à la fauvette ; mais déjà le charme opérait, sa pensée n’obéissait plus à sa volonté, et, pour parler par image, elle glissait entre les doigts de celle-ci, comme le poisson que le pêcheur veut saisir dans sa boutique.

Il éprouva tout d’abord une sorte de frissonnement qu’il ne connaissait pas encore ; il fut pris de l’envie de mêler sa voix à la voix argentine qu’il entendait. Son ivresse n’était heureusement pas assez forte pour qu’il oubliât que toutes les tentatives de ce genre avaient été singulièrement malheureuses. Il se renversa dans son fauteuil à bascule et s’y berça en fermant les yeux. À quoi songeait-il ? À rien et à tout. L’idéal entrebâillait pour lui la porte de son monde peuplé d’aimables fantômes ; sur le velours noir de ses paupières passaient et repassaient des milliers d’étoiles d’or et de flammes ; elles changeaient de forme, prenaient quelquefois celle de Millette sous laquelle elles s’éteignaient après avoir papilloté quelques instants. Ses pensées allaient, avec une rapidité vertigineuse, des fleurs aux anges,