Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/39

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joyeusement en voyant ses petits pieds courir prestement dans la poussière, malgré le poids dont il avait chargé son épaule. Il ne remarquait pas le nombre d’envieux qui rôdaient le soir autour de sa demeure ; mais il était convaincu que Millette avait un tel souci de ses intérêts, qu’il pouvait désormais se dispenser de la surveillance rigoureuse qu’il exerçait sur les menus détails du ménage. Le directeur de la congrégation religieuse, dont M.  Coumbes faisait partie comme tous les portefaix, le tança à propos du scandale que la présence de cette jeune femme, chez un homme de son âge causait à nombre de fidèles ; le maître de Millette, qui n’était cependant pas esprit fort, répondit qu’il fallait s’en prendre au bon Dieu qui l’avait faite, et non pas à lui qui n’était capable que de profiter honnêtement de ce chef-d’œuvre de la Providence.

L’indifférence de M.  Coumbes dura deux ans entiers, et le conduisit jusqu’à un certain soir d’une seconde saison d’automne.

Ce soir-là, Millette chantait : les mauvais jours étaient si loin ! Sa voix était fraîche et pure, non pas que nous entendions dire qu’un directeur d’opéra se fût écrié en l’entendant : « Voilà la pépite que je cherchais ! voilà l’ut de poitrine ou l’ut dièse dont je suis en quête. » Non, c’était une voix qui n’avait pas grande étendue, qui n’avait pas pénétré le mystère