Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/103

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Ils les trouvèrent couchés et dormant à un endroit où la terre était rouge.

Il était clair qu’ils avaient forcé, pris et mangé le daim, et, s’il leur fût resté aucun doute, ce doute leur eût été enlevé par la présence des bois avec un reste de mâchoire, seules parties du corps qu’ils n’eussent pas pu broyer et faire disparaître.

Quoi qu’il en semblât, ils étaient les seuls qui eussent lieu d’être satisfaits de leur journée.

On les enferma dans l’étable de Thibault, et, comme le baron reposait toujours, les veneurs songèrent à souper.

Ils s’emparèrent de tout ce que la huche du pauvre diable contenait de pain, firent rôtir la chèvre et invitèrent poliment Thibault à partager ce repas, dont il avait un peu fait les frais.

Thibault refusa, sous le prétexte plausible qu’il n’était pas encore remis de la profonde émotion que lui avaient causée la mort de Marcotte et l’accident du baron.

Il rassembla les débris de son beau vidercome, et, après s’être bien assuré qu’il était inutile de songer à les rapprocher, il se mit à réfléchir sur ce qu’il pourrait bien faire pour sortir au plus tôt de la vie misérable que les deux jours qui venaient de s’écouler lui rendaient plus insupportable que jamais.

La première image qui se présenta à son esprit fut celle d’Agnelette.

Comme les enfants voient en rêve passer de beaux anges, il la vit toujours, toute vêtue de blanc, glisser sur un ciel bleu avec de grandes ailes blanches.

Elle semblait bien heureuse, et, lui faisant signe de la suivre :

– Ceux qui viendront avec moi seront bien heureux, disait-elle.