Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/105

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Elle passait, en outre, pour le plus riche parti des environs ; car son moulin ne chômait guère, et, sous tous les rapports, comme on voit, c’était bien mieux l’affaire de Thibault.

En d’autres temps, jamais Thibault n’eût osé élever ses visées jusqu’à la riche et belle madame Polet.

C’était ainsi que s’appelait la meunière, et voilà pourquoi son nom se trouve pour la première fois sous notre plume.

En effet, pour la première fois, celle que l’on désignait par ce nom se présentait sérieusement à l’esprit de notre héros.

Il était tout étonné lui-même de n’avoir pas pensé plus tôt à la meunière, et il se disait qu’il y avait bien pensé autrefois, mais sans espoir, tandis qu’aujourd’hui, avec la protection du loup, et fort du pouvoir surnaturel qu’il tenait de lui et avait déjà eu l’occasion d’exercer, il lui paraissait facile d’écarter tous ses concurrents et d’en arriver à ses fins.

Les mauvaises langues disaient bien la meunière de Coyolles quelque peu méchante et acariâtre.

Mais le sabotier pensa qu’avec le diable dans sa manche, il ne devait guère se soucier du malin esprit, pauvre petit démon secondaire qui pouvait nicher dans le corps de madame veuve Polet. Or, lorsque le jour vint, il était décidé à se rendre à Coyolles ; car toutes ces visions, naturellement, se passaient la nuit.

Le seigneur Jean se réveilla avec le premier chant de la fauvette. Il se sentait tout à fait remis de son indisposition de la veille ; il fit lever tout haut son monde à grands coups de houssine, et, après avoir expédié le corps de Marcotte au château de Vez, il décida qu’il ne rentrerait pas bredouille au logis et qu’il chasserait un sanglier, comme si rien d’extraordinaire ne lui fût arrivé le jour précédent.