Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/257

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Ses traits, de son vivant un peu féminins pour un homme, avaient acquis la sombre grandeur du trépas.

À la première vue, on eût pu croire qu’il dormait ; mais, avec plus d’attention, on reconnaissait dans son immobilité quelque chose de plus profond que le sommeil.

On reconnaissait la reine qui a une faux pour sceptre, un linceul pour manteau impérial.

On reconnaissait la Mort.

Thibault avait laissé la porte ouverte.

Il lui sembla entendre un léger bruit de pas.

Il se rangea derrière le rideau de serge verte qui retombait au fond de l’alcôve, devant une porte qui, en cas de surprise, lui offrait une retraite.

Une femme vêtue de noir, couverte d’un voile noir, s’arrêta avec hésitation devant la porte.

Une autre tête passa près de la sienne et plongea son regard dans l’intérieur de la chambre.

– Je crois que madame peut entrer ; il n’y a personne, et, d’ailleurs, moi, je veillerai.

La femme vêtue de noir entra, s’avança lentement vers le lit, s’arrêta pour essuyer la sueur qui coulait sur son front, puis, d’une main résolue, elle leva le drap que Thibault avait rejeté sur le visage du mort.

Thibault reconnut la comtesse.

– Hélas ! dit-elle, on ne m’avait pas trompée !

Puis elle se laissa tomber à genoux et pria, tout en pleurant à sanglots.

Sa prière finie, elle se releva, baisa le front pâle du mort et les lèvres violettes de la blessure par où l’âme s’était envolée.

– Ô mon bien-aimé Raoul ! murmura-t-elle, qui me nommera ton meurtrier ? Qui me secondera dans ma vengeance ?