Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/40

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savoir ce que c’était que le loup de Thibault le sabotier. Moi seul, je l’ignorais.

– Mais, enfin, insistai-je, qu’est-ce que c’est que le loup de Thibault le sabotier ?

Mocquet hésitait à me répondre.

– Ah ! par ma foi ! s’écria-t-il enfin, le général m’a dit que je pourrais vous conter l’affaire quand vous auriez quinze ans. Vous les avez, n’est-ce pas ?

– J’en ai seize, répondis-je avec fierté.

– Eh bien, le loup de Thibault le sabotier, mon cher monsieur Alexandre, c’est le diable. Vous m’avez demandé hier soir une histoire, n’est-ce pas ?

– Oui.

– Revenez avec moi ce matin à la maison, et je vous en raconterai une, d’histoire, et une belle !

Gardes et chasseurs se séparèrent en échangeant silencieusement une poignée de main ; chacun tira de son côté, et nous rentrâmes chez Mocquet, qui me raconta l’histoire que vous allez lire.

Peut-être me demanderez-vous pourquoi, depuis si longtemps que m’a été racontée la susdite histoire, je ne vous l’ai pas racontée encore. Je vous répondrai qu’elle était serrée dans une case de ma mémoire qui est restée constamment close, et qui ne s’est rouverte qu’il y a trois jours. Je vous dirais bien à quelle occasion : mais probablement ce récit, qui empêcherait notre entrée en matière, serait pour vous d’un médiocre intérêt. J’aime donc mieux commencer mon récit à l’instant même.

Je dis mon récit, quand je devrais peut-être dire le récit de Mocquet. Mais, par ma foi quand on a couvé un œuf trente-huit ans, on peut bien finir par croire qu’on l’a pondu.