Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/58

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Bientôt, à dix pas du rocher, il vit tout à coup se dresser la tête gracieuse du daim qui, tournant ses oreilles du côté du vent, cherchait à saisir dans la brise le bruit que faisaient ses ennemis.

Thibault, très ému par cette soudaine apparition, se leva derrière sa pierre, assura son épieu dans sa main et le lança précipitamment sur l’animal.

Le daim fit d’abord un bond qui le porta au milieu du pont, puis un second qui le porta sur la rive opposée ; enfin, d’un troisième, il disparut aux yeux de Thibault.

L’épieu avait passé au moins à un pied de l’animal, et s’était enfoncé dans le gazon à quinze pas de celui qui l’avait lancé.

Jamais Thibault n’avait commis une telle maladresse ; Thibault, le compagnon du tour de France le plus sûr de son coup !

Aussi, tout enragé de colère contre lui-même, ramassa-t-il son arme, et, bondissant aussi lestement que le daim, passa-t-il le pont où l’animal l’avait passé.

Thibault connaissait le pays aussi bien que le daim lui-même. Aussi prit-il les grands devants et s’embusqua-t-il derrière un hêtre, à mi-côte, pas trop loin d’un petit sentier.

Cette fois, le daim passa si près de lui, que Thibault se demanda s’il ne valait pas mieux l’assommer avec son épieu que de le lui lancer.

Ce moment d’hésitation n’eut que la durée de l’éclair ; mais l’éclair lui-même n’est pas plus rapide que ne l’était l’animal ; de sorte qu’il était déjà à vingt pas de Thibault lorsque Thibault lui lança son épieu, et cela, sans être plus heureux cette seconde fois que la première.

Cependant il entendait l’aboi des chiens qui allait toujours se rapprochant ; il sentait que quelques mi-