Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/72

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– Parce que je trouverais là pis que le loup.

La réponse provoqua chez le baron Jean un joyeux éclat de rire, et toute la bande des veneurs, voyant rire le maître, fit chorus avec lui. En effet, la vue d’Agnelette avait rendu au seigneur de Vez toute sa bonne humeur, et peut-être serait-il resté un assez long temps à rire et à causer avec elle, si Marcotte, qui avait sonné la retraite manquée et accouplé les chiens, n’eût respectueusement rappelé à monseigneur qu’il lui restait un assez long trajet à faire pour regagner le château. Le seigneur Jean fit du doigt à la jeune fille un signe affectueusement menaçant et s’éloigna suivi de ses gens.

Agnelette demeura seule avec Thibault.

Nous avons dit ce qu’Agnelette avait fait pour Thibault, et combien Agnelette était jolie.

Eh bien, cependant, la première pensée de Thibault, en se trouvant seul avec la jeune fille, ne fut point pour celle qui venait de le sauver ; sa première pensée fut pour la haine et la vengeance.

Comme on le voit, depuis le matin, Thibault marchait rondement dans la voie du mal.

– Ah ! si le diable cette fois m’exauce, seigneur maudit ! s’écria-t-il en montrant le poing à tout le cortège qui venait de disparaître ; si le diable m’exauce, je te rendrai avec usure tout ce que tu m’as fait souffrir aujourd’hui, va !

– Ah ! que c’est mal, ce que vous faites là ! dit Agnelette en s’approchant de Thibault. Le baron Jean est un bon seigneur, fort humain avec le pauvre monde, et toujours courtois avec les femmes.

– Bon ! vous allez voir que je lui devrai de la reconnaissance sur les coups qu’il m’a baillés.

– Allons, tout franc, compère ! dit en riant la fillette, avouez que ces coups-là, vous ne les aviez pas volés.