Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/78

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l’avait été de la double accolade du baron, Agnelette pressa le pas, malgré le fardeau qu’elle portait sur sa tête, et qui semblait bien lourd pour une si frêle et si chétive créature.

Thibault resta quelque temps à suivre des yeux Agnelette s’en allant par les bruyères.

Les jolis bras de la séduisante fille, en soutenant le fardeau dont était chargée sa tête, dégageaient sa taille et semblaient doubler sa flexibilité et sa grâce juvénile.

Sa fine silhouette se découpait d’une adorable façon sur le fond bleu de l’horizon.

Enfin, la jeune fille touchait presque aux premières maisons, lorsque tout à coup elle s’enfonça derrière un pli de terrain et disparut aux regards émerveillés de Thibault.

Celui-ci poussa un soupir et resta un instant abîmé dans ses réflexions.

Ce soupir, ce n’était point la satisfaction de songer que cette bonne et charmante créature pouvait être à lui qui l’avait tiré de la poitrine de Thibault.

Non ; il avait désiré Agnelette parce qu’Agnelette était jeune et belle, et qu’il était dans la malheureuse nature de Thibault de vouloir tout ce qui était ou pouvait être à autrui.

Il s’était abandonné à ce désir sous l’impression de la naïveté avec laquelle elle lui avait parlé.

Mais l’image d’Agnelette était dans son esprit et non dans son cœur.

Thibault était incapable d’aimer comme il faut aimer, alors que, pauvre soi-même, on aime une pauvre fille sans rien voir, sans rien ambitionner au-delà de voir son amour payé d’un amour égal.

Non, tout au contraire : au fur et à mesure qu’il s’éloignait d’Agnelette, comme s’il s’éloignait de son