Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/89

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– Tu crois cela, et tu fais l’exigeant parce que tu penses que j’ai besoin de toi ?

– Je ne crois pas, j’en suis sûr.

– Eh bien, regarde.

– Où ? demanda Thibault.

– À la place où j’étais, dit le loup.

Thibault recula de deux pas. À la place où était le loup, il n’y avait plus rien. Le loup avait disparu, on ne savait ni par où ni comment. La place où il était demeurait parfaitement intacte. Il n’y avait pas au plafond un trou où passer une aiguille ; il n’y avait pas au plancher une fente à laisser filtrer une goutte d’eau.

– Eh bien, crois-tu que je ne puisse pas me tirer d’affaire sans toi ? dit le loup.

– Où diable êtes-vous donc ?

– Ah ! si tu m’interpelles par mon vrai nom, dit en ricanant la voix du loup, je vais être obligé de te répondre. Je suis toujours au même endroit.

– Mais je ne vous vois plus !

– Tout simplement parce que je suis invisible.

– Mais les chiens, mais le piqueur, mais le seigneur Jean vont venir vous chercher ici ?

– Sans doute ; seulement, ils ne m’y trouveront pas.

– Mais, s’ils ne vous y trouvent pas, ils vont s’en prendre à moi.

– Comme hier. Seulement, hier, tu étais condamné, pour avoir soustrait le daim, à trente-six coups de ceinturon ; aujourd’hui, pour avoir caché le loup, tu seras condamné à soixante et douze, et Agnelette ne sera plus là pour te tirer d’affaire avec un baiser.

– Ouf ! que dois-je faire ?

– Lâche le daim vivement ; les chiens se tromperont à la piste, et ce sont eux qui recevront les coups à ta place.