V
Thibault s’arrêta sur le seuil de la porte, tout étourdi de cette réapparition.
– Nous disions donc, reprit le loup, comme si rien ne s’était passé, que je ne puis t’accorder que tout le bien que tu souhaiteras t’arrive.
– Alors, je n’ai rien à attendre de vous ?
– Si fait, car je puis faire que le mal que tu souhaiteras à ton prochain se réalise.
– Bon ! et à quoi cela m’avancera-t-il ?
– Niais ! Un moraliste a dit : « Il y a toujours dans le malheur de notre plus cher ami un point qui nous est agréable. »
– C’est un loup qui a dit cela ? Je ne savais pas que les loups eussent des moralistes.
– Non, c’est un homme.
– On l’a pendu ?
– Non : on l’a fait gouverneur d’une province du Poitou. Il est vrai qu’il y a beaucoup de loups dans cette province-là. Or, si dans le malheur du meilleur ami il y a toujours quelque chose d’agréable, comprends donc ce qu’il peut y avoir de réjouissant dans le malheur du plus grand ennemi !
– Il y a du vrai là-dedans, dit Thibault.
– Sans compter qu’il y a toujours moyen que le mal du prochain nous profite, que le prochain soit ami ou ennemi.
– Vous avez, ma foi, raison, seigneur loup, répondit Thibault après quelques secondes de réflexion. Et vous