Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/99

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Il est vrai que Thibault n’avait point précisément indiqué ce qu’il voulait, et avait laissé de la marge à la malice du loup.

Il se promit à l’avenir de mieux préciser sa volonté, et surtout d’être plus réservé dans les vœux qu’il formerait.

Quant au baron, il n’était pas mort ; mais il n’en valait guère mieux.

Depuis le moment où il avait été frappé comme d’un coup de foudre par le souhait de Thibault, il n’avait pas repris ses sens.

On l’avait couché à l’air sur le tas de bruyères que le sabotier avait amassées afin de cacher la porte de son étable, et ses gens, tout effarés, bouleversaient la maison pour trouver quelque condiment qui rappelât leur bon seigneur à la vie.

L’un demandait du vinaigre pour lui en frotter les tempes, l’autre une clef pour la lui fourrer dans le dos, celui-ci une planchette pour lui frapper dans les mains, celui-là du soufre pour lui brûler sous le nez.

Au milieu de toutes ces voix qui battaient évidemment la campagne, on entendit la voix du petit Engoulevent qui criait :

– Par la rate-Dieu ! ce n’est pas tout cela qu’il nous faudrait, c’est une chèvre. Ah ! si nous avions seulement une chèvre ?

– Une chèvre ? s’écria Thibault, qui n’était point fâché de voir le seigneur Jean rétabli, ce qui eût dégagé sa conscience de la moitié du poids qui pesait sur elle, et en même temps sauvé sa pauvre cabane du pillage. Une chèvre ? J’en ai une !

– Vraiment ! vous possédez une chèvre ? s’écria Engoulevent. Ah ! mes amis, voilà notre cher seigneur sauvé !

Et, dans son transport, Engoulevent sauta au cou de Thibault, disant :