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Le comte de Guiche n'eut pas la force de se relever. — Page 320.

— C’est vrai, dit la marquise en frissonnant ; le plan est fort… Dis-moi, M. Colbert hait donc bien M. Fouquet ?

— Je crois qu’il ne l’aime pas… Or, c’est un homme puissant que M. de Colbert ; il gagne à être vu de près : des conceptions gigantesques, de la volonté, de la discrétion ; il ira loin.

— Il sera surintendant ?

— C’est probable… Voilà pourquoi, ma bonne marquise, je me sentais émue en faveur de ce pauvre homme qui m’a aimée, adorée même ; voilà pourquoi, le voyant si malheureux, je lui pardonnais son infidélité… dont il se repent, j’ai lieu de le croire ; voilà pourquoi je n’eusse pas été éloignée de lui porter une consolation, un bon conseil ; il aurait compris ma démarche et m’en aurait su gré. C’est doux d’être aimée, vois-tu. Les hommes apprécient fort l’amour quand ils ne sont pas aveuglés par la puissance.

La marquise, étourdie, écrasée par ces atroces attaques, calculées avec la justesse et la précision d’un tir d’artillerie, ne savait plus comment répondre ; elle ne savait plus comment penser.

La voix de la perfide avait pris les intonations les plus affectueuses ; elle parlait comme une femme et cachait les instincts d’une panthère.

— Eh bien ! dit madame de Bellière, qui espéra vaguement que Marguerite cessait d’accabler l’ennemi vaincu ; eh bien ! que n’allez-vous trouver M. Fouquet ?

— Décidément, marquise, tu m’as fait réflé-