Page:Dumas - Le Vicomte de Bragelonne, 1876.djvu/90

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tre prince, quel conseil lui donnerez-vous ?


Monck.

Athos fixa sur Monck un regard fier et résolu.

— Milord, dit-il, avec ce million que d’autres emploieraient à négocier peut-être, je veux conseiller au roi de lever deux régiments, d’entrer par l’Écosse que vous venez de pacifier, de donner au peuple des franchises que la révolution lui avait promises et n’a pas tout à fait tenues. Je lui conseillerai de commander en personne cette petite armée, qui se grossirait, croyez-le bien, de se faire tuer le drapeau à la main et l’épée au fourreau, en disant : « Anglais ! voilà le troisième roi de ma race que vous tuez : prenez garde à la justice de Dieu ! »

Monck baissa la tête et rêva un instant.

— S’il réussissait, dit-il, ce qui est invraisemblable, mais non pas impossible, car tout est possible en ce monde, que lui conseilleriez-vous ?

— De penser que par la volonté de Dieu il a perdu sa couronne, mais que par la bonne volonté des hommes il l’a recouvrée.

Un sourire ironique passa sur les lèvres de Monck.

— Malheureusement, Monsieur, dit—il, les rois ne savent pas suivre un bon conseil.

— Ah ! milord, Charles II n’est pas un roi, répliqua Athos en souriant à son tour, mais avec une tout autre expression que n’avait fait Monck.

— Voyons, abrégeons, monsieur le comte… C’est votre désir, n’est-il pas vrai ?

Athos s’inclina.

— Je vais donner l’ordre qu’on transporte où il vous plaira ces deux barils. Où demeurez-vous, Monsieur ?

— Dans un petit bourg, à l’embouchure de la rivière, Votre Honneur.

— Oh ! je connais ce bourg, il se compose de cinq ou six maisons, n’est-ce pas ?