aussi, personne ne s’avisa-t-il de dire un mot qui pût porter atteinte à sa réputation.
« Il y a trois mois, à peu près, M. de Château-Renaud se fit présenter.
« Vous croyez aux pressentiments, n’est-ce pas ? À son aspect, je tressaillis ; il ne m’adressa point la parole ; il fut ce que doit être dans un salon un homme du monde, et cependant, lorsqu’il sortit, je le haïssais déjà.
« Pourquoi ? Je n’en savais rien moi-même.
« Ou plutôt je m’étais aperçu que cette impression que j’avais éprouvée en voyant pour la première fois Émilie, il l’avait éprouvée lui-même.
« De son côté, il me semblait qu’Émilie l’avait reçu avec une coquetterie inaccoutumée. Sans doute je me trompais ; mais, je vous l’ai dit, au fond du cœur, je n’avais pas cessé d’aimer Émilie, et j’étais jaloux.
« Aussi, à la prochaine soirée, ne perdis-je pas de vue M. de Château-Renaud : peut-être s’aperçut-il de mon affectation à le suivre des yeux, et il me sembla qu’en causant à demi-voix avec Émilie, il essayait de me tourner en ridicule.
« Si je n’avais écouté que la voix de mon cœur, dès ce soir-là, je lui eusse cherché une querelle sous un prétexte quelconque et me fusse battu avec lui ; mais je me contins en me répétant à moi-même qu’une telle conduite serait absurde.