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LES FRÈRES CORSES

« Que voulez-vous ! chaque vendredi fut pour moi désormais un supplice.

« M. de Château-Renaud est tout à fait un homme du monde, un élégant, un lion ; je reconnaissais sous beaucoup de rapports sa supériorité sur moi ; mais il me semblait qu’Émilie le mettait encore plus haut qu’il ne méritait d’être.

« Bientôt je crus remarquer que je n’étais point le seul qui s’aperçût de cette préférence d’Émilie pour M. de Château-Renaud, et cette préférence s’augmenta de telle façon et devint enfin si visible, qu’un jour Giordano, qui était comme moi un habitué de la maison, m’en parla.

« Dès lors, mon parti fut pris ; je résolus d’en parler à mon tour à Émilie, convaincu que j’étais encore qu’il n’y avait de sa part que de l’inconséquence, et que je n’avais qu’à lui ouvrir les yeux sur sa propre conduite pour qu’elle en réformât tout ce qui, jusque-là, avait pu la faire accuser de légèreté.

« Mais, à mon grand étonnement, Émilie prit mes observations en plaisanterie, prétendant que j’étais fou, et que ceux qui partageaient mes idées étaient aussi fous que moi.

« J’insistai.

« Émilie me répondit qu’elle ne s’en rapporterait pas à moi dans une pareille affaire, et qu’un homme amoureux était nécessairement un juge prévenu.