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LES FRÈRES CORSES

« Je demeurai stupéfait ; son mari lui avait tout dit.

« Dès lors, vous le comprenez, mon rôle, envisagé sous le point de vue d’amant malheureux et jaloux, devenait ridicule et presque odieux ; je cessai d’aller chez Émilie.

« Quoique ayant cessé d’assister aux soirées d’Émilie, je n’en avais pas moins de ses nouvelles ; je n’en savais pas moins ce qu’elle faisait, et je n’en étais pas moins malheureux ; car on commençait à remarquer les assiduités de M. de Château-Renaud près d’Émilie et à en parler tout haut.

« Je me résolus à lui écrire ; je le fis avec toute la mesure dont j’étais capable, la suppliant, au nom de son honneur compromis, au nom de son mari absent et plein de confiance en elle, de veiller sévèrement sur ce qu’elle faisait ; elle ne me répondit pas.

« Que voulez-vous ! l’amour est indépendant de la volonté ; la pauvre créature aimait, et, comme elle aimait, elle était aveugle ou plutôt voulait absolument l’être.

« Quelque temps après, j’entendis dire tout haut qu’Émilie était la maîtresse de M. de Château-Renaud.

« Ce que je souffris ne peut pas s’exprimer.

« Ce fut alors que mon pauvre frère éprouva le contre-coup de ma douleur.

« Cependant une douzaine de jours s’écoulèrent, et, sur ces entrefaites, vous arrivâtes.