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OTHON L’ARCHER

cette étrange tristesse, plus étrange encore chez l’hôte lui-même, qui semblait avoir donné aux autres toute la joie et n’avoir gardé que les soucis ; puis enfin il s’avança, et, voyant qu’il était arrivé jusqu’à son ami sans que le bruit de ses pas eût pu le tirer de sa préoccupation, il lui posa la main sur l’épaule.

Le landgrave tressaillit et se retourna. Son esprit et sa pensée étaient si profondément enfoncés dans un ordre d’idées différent de celui qui venait le distraire, qu’il regarda quelque temps, et sans le reconnaître à visage découvert, celui que, dans un autre temps, il eût nommé, visière baissée, au milieu de toute la cour de l’empereur. Mais Karl prononça le nom de Ludwig et tendit les bras ; le charme fut rompu, Ludwig se jeta sur la poitrine de son frère d’armes, plutôt en homme qui y cherche un refuge contre une grande douleur qu’en ami joyeux de revoir un ami.

Cependant ce retour inattendu parut produire sur l’hôte soucieux de cette joyeuse fête une heureuse distraction. Il entraîna l’arrivant à l’autre extrémité de la chambre, et, là, le faisant asseoir sur une large stalle de chêne surmontée d’un dais de drap d’or, il prit place près de lui ; et, tout en cachant sa tête dans l’ombre et lui prenant la main, il lui demanda le récit de ce qui lui était arrivé pendant cette longue absence de trois ans qui les avait séparés l’un et l’autre.

Karl lui raconta tout avec la prolixité guerrière d’un