Page:Dumas - Les Frères Corses, 1881.djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
171
OTHON L’ARCHER

on espéra que la force de la jeunesse (la comtesse douairière avait à peine trente-quatre ans) triompherait de l’opiniâtreté de la maladie.

On se trompait, elle était mortellement atteinte. Elle le sentit elle-même, fit venir son médecin et l’interrogea avec tant d’insistance et de fermeté, qu’il ne put se refuser à lui dire que la science des hommes était insuffisante, et qu’il n’y avait plus pour elle de secours à attendre que du ciel. La comtesse reçut cette nouvelle en chrétienne, fit venir Albert et Emma, leur ordonna de s’agenouiller devant son lit, et, la voix basse, et sans autre témoin que Dieu, elle leur révéla un secret que personne n’entendit. Seulement on remarqua avec étonnement qu’à l’heure de l’agonie, au lieu que ce fût la mourante qui bénît les enfants, ce furent les enfants qui bénirent la mourante, et qu’ils eurent l’air de lui pardonner d’avance sur la terre une faute dont elle allait sans doute recevoir l’absolution dans le ciel.

Le même jour où cette confidence avait été faite, la comtesse trépassa saintement, et Emma, qui avait encore une année à attendre avant de devenir de fiancée épouse, alla passer cette année au couvent de Nonenwerth, bâti au milieu du Rhin, sur l’île du même nom, située en face du petit village de Honnef. Quant à Albert, il resta à Ronsdorf, et la douleur qu’il montra de la perte de sa bienfaitrice fut égale à celle qu’il eût éprouvée pour une mère.