Page:Dumas - Les Frères Corses, 1881.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
182
OTHON L’ARCHER

XVe siècle, et que Froissard décrit avec tout l’amour que porte l’antiquaire à un débris des temps passés. Pour lui, tout relevait de l’épée et dépendait de Dieu, et, dans sa conscience, l’homme était certain de ne pas errer en remettant chaque chose à son jugement. Or, le récit du landgrave lui avait inspiré sur les intentions de Godefroy des doutes que la réflexion avait presque changés en certitude ; d’ailleurs personne, excepté ce conseiller funeste, n’avait jamais mis en doute l’amour et la fidélité d’Emma pour son époux. Il avait été l’ami du comte de Ronsdorf comme il était celui du landgrave de Godesberg. Leur bonheur à tous deux faisait une part du sien ; c’était donc à lui d’essayer de leur rendre cette splendeur ternie un moment par un calomniateur ; en conséquence de cette résolution, il avait pris, sans en rien dire à personne, le parti de venir l’attendre sur le chemin qu’il devait suivre, et là, de lui faire avouer sa trahison ou de lui faire rendre l’âme, et, au besoin même, de mener à bout cette double entreprise.

Alors, il baissa la visière de son casque, fit arrêter Hans au milieu de la route, et cheval et cavalier demeurèrent une heure immobile comme une statue équestre. Au bout de ce temps, il vit apparaître, à l’extrémité du chemin creux, un chevalier armé de toutes pièces. Celui-ci s’arrêta un instant, voyant le passage gardé ; mais, s’étant assuré que celui qui le gardait était