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OTHON L’ARCHER

— Moi, dit Karl.

Et il se retira tranquillement, fermant la porte derrière lui et laissant le landgrave seul avec le prêtre.

Or, voici ce que raconta le prêtre au landgrave.

Godefroy avait connu en Palestine un chevalier allemand des environs de Cologne, que l’on nommait Ernest de Huningen : c’était un homme grave et sévère, qui était entré depuis quinze ans dans l’ordre de Malte, et que l’on renommait pour sa religion, sa loyauté et son courage.

Godefroy et Ernest combattaient l’un près de l’autre à Saint-Jean-d’Acre, lorsque Ernest fut blessé mortellement. Godefroy le vit tomber, le fit emporter hors de la mêlée et revint à l’ennemi.

La bataille finie, il rentra sous sa tente pour changer de vêtement ; mais à peine y était-il, qu’on vint le prévenir que messire Ernest de Huningen était au plus mal et désirait le voir avant que de mourir.

Il se rendit à son désir, et trouva le blessé soutenu par une fièvre brûlante qui devait consumer en peu de temps le reste de sa vie. Aussi, comme il sentait lui-même sa position, Ernest lui expliqua en peu de mots le service qu’il attendait de lui.

À l’âge de vingt ans, Ernest avait aimé une jeune fille et en avait été aimé ; mais, cadet de famille, sans titre et sans fortune, il n’avait pas pu l’obtenir. Les amants, au désespoir, oublièrent qu’ils ne pourraient jamais